"Lincoln", ou l'histoire du vote du 13e amendement
Le dernier Spielberg s'intéresse à un monstre sacré de l'histoire américaine, le président Abraham Lincoln, 16e président des Etats-Unis d'Amérique, auteur de l'abolition de l'esclavage en 1865, juste avant la fin de la Civil War américaine, la meurtrière guerre de Sécession.
On pouvait penser que l'exercice du métier de Président consistait à faire de beaux discours. L'avocat de profession qu'était Lincoln ne s'en privait pas -et l'Adresse à Gettysburg, par exemple, est un texte magnifique-, mais on découvre ici les coulisses du pouvoir lorsqu'il s'agit de faire voter un amendement à la Constitution des Etats-Unis auquel le Président accorde la plus grande importance, par souci éthique, par volonté de protéger l'humaine condition, quelle qu'elle soit.
On découvre donc, en pleine guerre, les débats autour de l'esclavage et de la condition des Noirs, dans les auditions que Lincoln donne aux citoyens avec lesquels il entre en contact, et qu'il écoute avec attention -remarquable Daniel Day-Lewis, si patient, si compréhensif-, dans les conseils qu'il tient avec ses proches collaborateurs, et, surtout, dans les débats de la Chambre des Représentants, où il n'est pas présent. On découvre comment il cherche à gagner un à un les députés à sa cause (il lui manque huit voix pour l'emporter), en leur proposant des postes, en discutant philosophie ou stratégie de guerre, en imposant peu à peu sa vision des choses. On découvre la personnalité remarquable de certains représentants, comme Thaddeus Stevens, républicain (les démocrates sont opposés à l'amendement), élu de Pennsylvanie, très fortement engagé pour la guerre, votant en faveur du 13e amendement, et présenté comme vivant maritalement avec sa gouvernante métisse.
On réfléchit sur le sens des mots qui fondent les démocraties, le mot égalité, d'abord : selon le premier principe d'Euclide, deux éléments à égale distance d'un point sont égaux entre eux, mis en regard de la querelle d'ordre racial et théologique selon laquelle les Noirs auraient été créés inférieurs. Mais c'est surtout le principe de liberté qui est défendu ici, la liberté du peuple noir, plus importante que tout.
Et puis il y a aussi dans le film les rapports que Lincoln entretient avec sa femme, Mary Todd, que l'on découvre très affectée par la mort de leur fils Willie, mais qui, malgré tout, reste vaillamment à ses côtés, le soutenant jusqu'au bout, et pleurant sa mort, juste après la victoire si tendue du 13e amendement.