"Dire le monde", dire son monde...

Cinquième autofiction de Carole Détain, "Dire le monde" (TheBookEdition, février 2015, 471 pages) reprend, sous une forme qui se diversifie peu à peu, les thématiques familiales des deux derniers ouvrages, "T'inquiète pas maman" et "D'une fenêtre le ciel".

La vie de Maude, instance narratrice et substitut de l'auteure, s'égrène jour après jour, semaine après semaine, mois après mois, entre Nation, Montparnasse et Denfert-Rochereau à Paris, et les vacances sur la côte bretonne, en Espagne et à Chamonix. Cet environnement géograhique limité donne toute sa place à la réflexion intériorisée de la narratrice, dont l'identité personnelle est cernée par les différentes fonctions qu'elle occupe -épouse, éducatrice, logisticienne, mère, fille, amie, écrivain...

Il y a un aspect litanique dans le ressassement des pensées de Maude, livrée à la dure contrainte de rendre le quotidien de ses proches agréable, sans heurt, familialement heureux. Tout entière tournée vers le bien-être et la gestion du planning familial, elle trouve son espace de liberté à la marge, dans son écriture quotidienne et la mise en forme de la narration, qui régulièrement dans l'ouvrage se fait sur le rythme haché, un peu haletant, en escalier, de la pensée d'une femme qui court après le temps, le sien et celui de ses proches, dans le but ultime et unique, dirait-on, de ménager des espaces de rencontre apaisés et sereins.

Toutefois, c'est bien davantage grâce au soutien de la langue que Maude trouve son réconfort dans les moments durs, ceux où la quiétude et l'harmonie sont renversées par des crises, où la culpabilité et le remords rongent, où les malentendus et la tristesse prennent le dessus. Dans une vie apparemment bien lisse et sans souci majeur, Carole Détain met en relief avec finesse les aspérités du monde de Maude, ses points névralgiques et ses efforts quotidiens tendus vers la vie.