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Fiction et Critique, par Sylvie Ferrando
25 décembre 2012

Andre, Sylvie et les adolescents : "Emmaüs" d'Alessandro Baricco

Chaque écrivain à ses obsessions, celles qui le hantent et dont il fait le lit de ses romans, de ses fantaisies. Celles de Baricco, musicologue et écrivain, relèvent de la métaphysique, ont trait à l'ailleurs, au voyage, à la quête, à l'amour et au sens de la vie. Ces thèmes, déjà présents dans "Soie" (1997) et "Océan mer" (1998), on les retrouve dans "Emmaüs" (2012), mais ici le voyage est plus intérieur, avec une plongée dans les affres de l'adolescence et dans l'univers des jeunes catholiques italiens des années 1960 ou 1070.

Ils sont quatre garçons de 16 ans, amoureux d'une muse ou d'une étoile, Andre, une jolie fille un peu triste, un peu folle, et très riche, qui les subjugue par la liberté dont elle fait preuve en matière de sexe et, aussi, parce qu'elle a tenté de mettre fin à ses jours, parce que, selon eux, elle est en train de mourir. Tous auront leur part du corps (et de l'âme ?) d'Andre, à leur tour. Tous en souffriront, à des degrés divers.

L'entrée dans le monde fragile des adolescents, catholiques de surcroît (le "nous" du roman), est rendu par le déplacement progressif des normes. Le monde normal, protégé, aux valeurs stables, dans lequel vivent les jeunes gens, entourés de leurs parents, croyants et pratiquants, est peu à peu mis à mal par leurs prises de conscience, leur frottement au monde réel, la construction de leur jugement et les failles que cela met au jour. Les plus fragiles en seront des victimes, les autres perdront leur innocence et, peut-être, la foi de leur enfance.

Personnage emblématique de cette foi catholique inébranlable jusqu'à l'excès, le personnage du Saint, que l'on découvre -peut-être- père et criminel, commet un acte qui pourrait être assimilé à l'acte gratuit du Lafcadio de Gide dans "Les caves du Vatican" (il tue un travesti répondant au nom de Sylvie) et emmène le narrateur dans une réflexion sur la fonction et la grâce de la Madone. Le passé et le présent (le roman est écrit en conjuguant alternativement ces deux temps verbaux) déboucheront, pour lui, sur un futur.

Le roman est touchant, parfois cruel, toujours juste, même dans les dernières pages, qui résonnent de façon un peu étrange.

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